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Photo du rédacteurLe roi de Finlande

Fort comme un typhon, comme un tsunami nucléaire

Note de lecture et extraits : Gabacho, Aura Xilonen


Note de lecture

Petit bolide de littérature, porté par une énergie et une verve incroyables, boosté aux pulsions de survie dans un contexte de violence et de misère (sans misérabilisme), mais aussi gorgé d'amour (sans mélo). De la tendresse, bordel, beaucoup de tendresse qui explose dans une écriture à l'oralité et à la vulgarité assumées, une langue verte, à la fois percutante et étonnamment poétique. De la littérature coup de poing et coup de cœur. Et un défi brillamment relevé en termes de traduction (Julia Chardavoine).


Gabacho, Aura Xilonen, éditions Liana Lévi. Note de lecture et extraits.

Extraits


Survivre

Faut pas grand-chose pour survivre. Pour vivre par contre, je sais pas.


Lire

J'en chiais sang et eau, parce que lire, bordel, ça fait mal aux yeux au début, mais petit à petit l'âme se fait contaminer. Le soir, j'embarquais des petits livres encore chastes sur ma mezzanine et le matin, je les redescendais dépucelés.


Regarder

Le ciel est limpide, comme si la courbure de la Terre était une immense cornée et qu’on avait balayé toutes les poussières d’un gigantesque battement de cils.


Écouter (de la musique)

Cette saloperie de musique, ça m'a toujours aidé à calmer les sauterelles que j'ai dans la tête. Comme si ça assoupissait mon âme à l'oblique, comme si j'avais des ondes oléagineuses qui s'imprégnaient dans le marteau, dans l'enclume, dans l'étrier, et cessaient de m'appartenir. La musique, quand elle piaule, mélodique, dans les méandres de mon esprit, ça m'aide à arrêter de sauter dans tous les sens et à rester enfin en place, somnolent, fixé à la surface de la chair.


(L')Écouter (elle)

Ses lèvres de coquillage se répandent dans l'air en cercles concentriques et éclatent contre mes tympans comme des pétales de pacotille sur le trottoir, comme des aigrettes de pissenlits qui s'envoleraient et deviendraient transparentes, aériennes, au contact de l'eau ou du soleil.


(L')Enlacer (elle)

Et sans que je vois venir le truc, elle me serre contre elle, comme ça, fort comme un typhon, comme un tsunami nucléaire. Elle m'entoure de ses bras et plante sa tête dans mon cou. L'odeur de ses cheveux m'humidifie les ganglions. Je croise mes bras autour d'elle et la perçois tout entière. L'éternité s'arrête, apocalyptique ; je sens que tout fuse autour de nous dans l'Univers, sauf elle et moi. Je sens que l'humus de la planète change de tonalité sous la lumière du crépuscule, que la Terre tourne comme une toupie, s'éveille, s'endort, s'endort, s'éveille, qu'en un clin d’œil, la boucle est bouclée. J'ai l'impression que tout défile en accéléré autour de nous deux, enlacés, accroupis, hors du temps, cachés derrière des voitures au milieu de ce monde pourri.


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