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Photo du rédacteurLe roi de Finlande

Au seuil d'étranges et palpitants possibles

Extraits : Une philosophie de la solitude, John Cowper Powys


"... acquérons ainsi la subtile finesse spirituelle [...] avec une pincée de cette humilité à l'enivrante douceur, sans laquelle l'extase resterait inaccessible."


"... il y a des moments où cette énergie qui réside en notre for intérieur semble reculer jusqu'à de mystérieux et lointains échelons de son propre être ; et nous avons alors l'impression de nous trouver au seuil d'étranges et palpitants possibles."


Edward Hopper, Cap Cod Morning, John Cowper Powis, Une Philosophie de la solitude
Cape Cod Morning, Edward Hopper

"L'art de vivre consiste en la création d'un soi original et unique."


"Ce que nous pensons résolument, consciemment, constamment que nous sommes, nous tendons à le devenir."


"L'intelligence grégaire est une intelligence qui entrave l'évolution. Comme une fourmilière, malgré toute son animation, c'est une "mainmorte" sur la pente ascendante de la vie. Quand poètes et prophètes ont à moitié créé, à moitié révélé les dieux, c'est dans leur solitude que cet acte fut accompli. Ne pas devenir fourmilière, mais participer à la solitude des dieux, voilà l'authentique idéal de l'homme et de la femme."


"Il y a cela dans le monde qui soulève un nuage de poussière, de brouillard, d'épais tortillons de laine étouffante, entre la réceptivité créatrice de l'âme et les éléments primordiaux de l'univers. Cette poussière, ce brouillard, cette vague de chaleur, cette vapeur laineuse, chaude, collante, adhésive, sont la projection simultanée de l'âme grégaire. Il n'y a que lorsque l'âme est seule que la magie de l'univers puisse traverser cette épaisseur. Il faut le silence au murmure des longs siècles pour se faire entendre, au mystère de la procession cosmique pour se faire sentir. Et ce silence peut s'atteindre dans le plus dément tohu-bohu de la plus populeuse cité. Bruits matériels, rugissements des choses matérielles ne peuvent venir l'interrompre. La vie est pleine de présences mystérieuses qui vont et viennent ; présences qui sont à la semblance des dieux. Mais ces présences ne peuvent être rattrapées dans leur voyage aérien que par des esprits qui ont appris le secret de la solitude."


"Une extase, au sens propre, est un état où l'on se trouve, comme on dit, "hors de soi-même". Mais un tel ravissement, un semblable délire, un pareil oubli de soi ne forment que l'un des aspects de l'austère contemplation à laquelle je songe. Inlassablement, l'expérience de la plupart d'entre nous réitère le fait que seuls devant cette étendue déserte de sable, cette route vide illuminée de lune, ce rebord de fenêtre éclairé de crépuscule où un unique pot de fleurs se détache contre le ciel, seuls devant ces spectacles et avant même d'atteindre aucune extase et de connaître aucun abandon, ce dont nous prenons conscience est une délicieuse sensation de calme, où toute chose se dissout en une mer aérienne d'insubstantialité, bercée de vagues ondulantes et saisie dans une aura de lumière. Même si notre nature intime est telle que nous sommes trop vieux, ou trop matérialistes, ou trop cyniques, ou trop léthargiques, ou trop malades, pour provoquer l'éventuelle extase, ce sera déjà une réussite suffisante que d'atteindre à cette sérénité, ce détachement, cette non-humanité du mental. Cet état n'est pas encore, peut-être, "la paix qui passe toute intelligence". Il se peut que nous ayons à faire un pas de plus pour y atteindre ; mais la sérénité lumineuse que nous avons déjà obtenue est en elle-même un objet si désirable qu'à elle seule elle mérite tout l'effort de concentration qui a accompagné notre recherche."


Gas, Edward Hopper, Une Philosophie de la solitude, John Cowper Powys, crépuscule
Gas, Edward Hopper

"Qui peut nier que par les sentiments éveillés au crépuscule, si communs, si simples, si universels, tous les repentirs de tendresse, de sagesse et de bonté propres à notre espèce sont nourris et entretenus ? Aux trottoirs populeux de nos cités, aux froides désolations de ces lamentables "zones" entre ville et campagne, aux arêtes des montagnes et aux vallées pleines d'ombres, aux plages de galets et aux eaux tumultueuses, le crépuscule, faible soupir récurrent de notre paysage familier, retire, en sombrant dans son quotidien sommeil, quelque chose de dur et d'opaque, quelque chose qui nous sépare du mystère intime des choses. Oui ! Le crépuscule retire, par chaque soirée mortelle, que le temps soit mauvais ou beau, ces portes d'airain sonore qui nous séparent des puits calmes, frais, fortifiants de la vie. Cet océan de repos franchit les plus abandonnés de nos seuils, les plus misérables de nos fenêtres. Et, sous son pouvoir, tout devient plus vaste, plus éthéré, plus transparent. Les dures lignes s'effritent, les couleurs violentes s'apaisent, les bruits rauques s'évanouissent ; et, surgie de l'entassement vaporeux des gris, une indescriptible luminosité (point une lumière mais, pour ainsi dire, l'esprit même de la lumière), comme le bleu des profondeurs de l'eau profonde, envahit le monde épuisé. Et les pensées des hommes et des femmes retournent aux moments où il n'y avait pas d'écran entre eux et l'indicible ; pas de barrière entre eux et les reculades de la matière. Comme un vol d'oiseaux se rassemble au crépuscule pour rentrer chez soi, leurs pensées empruntent de longues, de vagues perspectives obscures et fraîches comme la mousse, des avenues d'émotions beaucoup trop tremblantes, beaucoup trop imprécises pour être exprimées en mots."


"Fermez ce livre et reposez votre âme sur la pluie qui bat votre fenêtre."

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